Le Corbusier

Lorsque la Maison Familiale lui commande sa seconde Unité d’Habitation, Le Corbusier a 63 ans. Il vient de livrer la Cité Radieuse de Marseille et mène de front les études et les chantiers du couvent de la Tourette, de la Chapelle de Ronchamp et de Chandigarh.

L’activité de l’atelier reprend après plus de 10 années sans construction. La première période des villas modernistes, les « villas blanches » est déjà loin derrière et la dernière construction d’avant-guerre, la villa Le Sextant, réalisée en pierres et en bois semble marquer une rupture et être une introduction à ce que sera la seconde moitié de la carrière de l’architecte.

À la fin de la seconde guerre mondiale, Le Corbusier est déjà mondialement reconnu pour ses réalisations comme la Villa Savoye, la Cité de refuge, le Pavillon suisse de la cité universitaire de Paris, les maisons au Weisseenhof mais aussi et peut-être surtout pour ses écrits et ses projets polémiques en matière d’urbanisme ou encore son activisme dans la promotion de l’architecture moderne notamment au travers des CIAM (Congrès international d’architecture moderne).

Mais dans cette période d’avant-guerre, Le Corbusier n’obtient pas les commandes qu’il ambitionne et qui correspondraient au travail théorique qu’il a entrepris pour amener une refondation des conditions d’habitation. Les recherches et les bases théoriques de son architecture se mettent cependant en place avec les cinq points de l’architecture moderne et les principes de la ville radieuse qui fondent les projets d’après-guerre.

Durant cette période, grâce au soutien et à la confiance d’Eugène Claudius-Petit Ministre de la reconstruction et de l’urbanisme, il se voit confier la possibilité de réaliser l’Unité d’Habitation de Marseille qui relancera l’activité de l’atelier et ouvrira une nouvelle période qui sera la plus productive de l’architecte.

Dans cette période Le Corbusier réalisera ses plus importantes œuvres architecturales tout en conservant une pratique artistique intense. Il partage son temps entre la peinture, la sculpture, l’écriture et l’architecture. La pratique architecturale se nourrit de ses recherches plastiques et ouvre de nouveaux champs formels comme l’attestent la chapelle de Ronchamp ou encore le Capitole de Chandigarh.

Après la construction de la Cité Radieuse, le béton brut deviendra un matériau de prédilection pour Le Corbusier. À propos de son usage à Rezé, il écrira : « J’ai dit à ceux qui grognassaient un peu contre la rudesse de l’exécution : J’aime cette rudesse, c’est cela que j’aime, c’est cela mon apport dans l’architecture moderne : la remise à l’honneur des matériaux primaires, la rudesse de l’exécution conforme au but poursuivi… ». Son architecture fait alors la synthèse entre une monumentalité affirmée et une simplicité des principes constructifs et des détails d’exécution réalisés avec les moyens et les savoirs faire locaux. C’est aussi une période lors de laquelle Le Corbusier prend des libertés par rapport aux règles qu’il a lui même édictées. Il s’adapte aux contraintes et aux imprévus et apporte ainsi de nouveaux éléments comme les aplats de couleurs primaires sur les bétons bruts de la Cité Radieuse.

Les maisons Jaoul et les constructions de Roquebrune Cap-Martin sont à ce titre particulièrement significatives.

À sa mort en 1965, Le Corbusier laisse une œuvre riche de 78 constructions réparties dans 11 pays différents et sur 3 continents, des centaines d’études et de projets non réalisés, des peintures, lithographies et de multiples dessins et croquis, des sculptures réalisées avec le sculpteur Savina, des émaux, des tapisseries, et près de cinquante livres parmi lesquels Le poème de l’angle droit, Quand les cathédrales étaient blanches, La poésie sur Alger et Les maternelles qui traite des écoles des Unités d’Habitation de Marseille et de Rezé.

Reconnue par le classement au patrimoine mondial de l’humanité, l’œuvre de Le Corbusier continue cependant de diviser. Ses théories urbaines en rupture avec la ville traditionnelle, souvent considérées comme dogmatiques, lui sont encore vivement reprochées ; les unités d’habitations restent l’objet de débats là où la chapelle de Ronchamp, le couvent de la Tourette notamment sont unanimement salués pour leur dimension plastique et poétique.