La Maison Radieuse

La Maison radieuse est une Unité d’Habitation, immeuble d’habitation collectif de 294 logements construit en 1955 par l’architecte franco-suisse Le Corbusier à Rezé, dans l’agglomération nantaise. C’est la seconde des 5 Unités d’Habitation construites par Le Corbusier avec celles de Marseille, Briey-en-Forêt, Firminy et Berlin.

Les Unités d’habitation sont le fruit d’une longue réflexion de l’architecte sur l’habitat collectif menée dès les années 1920 avec les projets non réalisés de l’immeuble villa et des immeubles à redents. Avec les Unités d’Habitation, Le Corbusier propose une synthèse de ses réflexions sur le logement, proposant de nouvelles conditions d’habitation dans un cadre arboré, offrant à chaque logement les bienfaits de l’ensoleillement (logements traversant orientés Est-Ouest) et les commodités modernes (ventilation mécanique, chauffage par le sol, double vitrage, cuisine ouverte, ascenseur…) dans la France de l’après-guerre et de la reconstruction.
Avec la Maison radieuse de Rezé, Le Corbusier affirme également la dimension poétique de son architecture, ainsi qu’une nouvelle esthétique alliant simplicité d’exécution, matériaux bruts et couleurs primaires éclatantes.

Pensée comme un « village vertical », l’Unité d’Habitation n’est pas un simple immeuble d’habitations mais un lieu de vie rassemblant à l’origine 1 500 habitants. On y trouvera donc une école, un bureau de poste, un marchand de journaux, des cabines téléphoniques publiques etc., comme dans tout village à cette époque. Aujourd’hui, si le marchand de journaux, la poste et les cabines téléphoniques ont disparu l’école maternelle, située sur le toit, à 52 mètres de haut (la plus haute école de France) perdure et accueille dorénavant les enfants des quartiers environnants. Avec les locaux associatifs gérés par l’association des habitants de la Maison radieuse, elle assure la cohésion de l’unité et son ouverture sur la ville. Un petit marché y a lieu chaque semaine.

L’accès à la Maison radieuse se fait au moyen d’une étroite passerelle traversant un plan d’eau dans lequel plongent les pilotis de l’immeuble. Ainsi décollée du sol, la Maison radieuse laisse l’espace et le regard se prolonger vers le parc de 6 hectares, zone boisée classée et refuge ornithologique. Plus que jamais pertinent dans la ville du XXIème siècle, ce parc, intimement lié à l’idée des Unités d’Habitation et de la ville radieuse, assure aux 700 habitants actuels de la Maison radieuse, les bienfaits de la nature, les aires de jeux pour les enfants, un jardin partagé…

Ouvert sur la ville et visitée tout au long de l’année, la Maison radieuse, classée Monument Historique en 2001, continue de marquer le paysage de l’agglomération nantaise et de susciter l’intérêt de nombreux visiteurs, simples touristes et curieux, étudiants, artistes et chercheurs.

Historique

Le projet d’Unité d’Habitation fait suite à la proposition d’un plan pour la reconstruction de Nantes porté dès 1945 par l’avocat nantais Gabriel Chéreau.

Si ce plan ne verra pas le jour, la détermination de Gabriel Chereau à voir une réalisation de Le Corbusier se concrétiser à Nantes aboutira à la construction d’une Unité d’Habitation à Rezé, sur la rive sud de la Loire.

Gabriel Chereau se rapproche de la Maison Familiale, Société anonyme coopérative d’HBM créée à Nantes en 1911 et de son vice-président, Emile Decré qui partage son intérêt pour l’architecture moderne (Emile Decré fera appel à l’architecte Henri Sauvage pour construire ses grands magasins en 1931 à Nantes).

Par l’intermédiaire de Gabriel Chéreau et d’Eugène Claudius-Petit, alors Ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme qui avait commandé à Le Corbusier la réalisation de la première Unité d’Habitation à Marseille, les contacts sont pris avec l’architecte.

Réaliser une Unité d’Habitation dans les budgets d’une HLM ne va pourtant pas de soit et demanderait de nombreuses modifications du projet. Le Corbusier n’est pas immédiatement convaincu mais les enjeux du logement social en cette période de reconstruction finissent par l’emporter.

La décision de construire une unité d’habitation à Rezé, est prise par le conseil d’administration de la Maison Familiale en juillet 1949. Charge est donnée à Le Corbusier de respecter les normes et les budgets du logements HBM. La Ville de Rezé accepte le projet et apporte la garantie financière.

Le programme initial, calqué sur l’unité de Marseille, est incompatible avec les contraintes économiques. Les commerces sont dans un premier temps supprimés et l’épaisseur de l’unité limitée à 19 m, réduisant la surface des logements et les amputant de la double hauteur des séjours. Le système constructif en « casier à bouteille » est abandonné, de même que la solution un temps étudiée d’une construction à ossature métallique. Le bureau d’étude Séchaud et Metz, nommé par la Maison Familiale met au point un système en refends béton proposé par l’ingénieur Bernard Laffaille. Les charges sont ainsi directement transmises aux pilotis alternativement inclinés vers l’intérieur (en V) et vers l’extérieur (en M) qui, par leur empattement contribuent à la stabilité de l’ouvrage. L’esthétique de ces pilotis (qui seront repris sur les unités de Briey et de Firminy) sera magnifiée par la photographie de Lucien Hervé, devenue indissociable de l’Unité d’Habitation de Rezé.

Une fois le système constructif et le programme arrêté à 294 logements allant du studio au T6, le chantier est lancé en 1953, quelques mois seulement après la livraison de l’unité marseillaise. Dirigé par André Wogenscky secondé de Iannis Xénakis, il sera mené de façon exemplaire et en un temps record de 18 mois. « Tout marche dans l’exactitude » pour Le Corbusier.

Avec Le Chantier de Rezé, Le Corbusier confirme son penchant pour le béton brut de décoffrage, « j’ai dit à ceux qui grognassaient un peu contre la rudesse de l’exécution : J’aime cette rudesse, c’est cela que j’aime, c’est cela mon apport dans l’architecture moderne : la remise à l’honneur des matériaux primaires, la rudesse de l’exécution conforme au but poursuivi (…) J’ai dit énergiquement à Gauducheau, qui levait le nez devant les aspérités du ciment : attendez-donc que ce soit fini et qu’au lieu de n’avoir à regarder qu’un raccord de ciment raté (ce qui est très humain et quotidien), vous regardez les visages des gosses ou celui d’une femme. À ce moment vous apprécierez le travail de Rezé. »

Mais l’Unité d’Habitation en construction ne comporte aucun des équipements prévus initialement. L’école implantée dès les premières esquisses sur le toit a été notamment supprimée pour respecter le budget de la Maison Familiale. C’est à la demande de la mairie de Rezé qu’elle sera finalement réintégrée en cours de chantier. Le projet un temps envisagé d’un groupe scolaire de 10 classes qui aurait occupé toute la surface du toit est ramené à 3 classes maternelles. Commandée en urgence, Le Corbusier, alors occupé par la construction de Chandigarh, en confie la conception à Iannis Xenakis. L’école qui parachève l’Unité d’Habitation est encore en chantier alors que les premiers habitants ont déjà commencé à emménager. Elle sera tout juste terminée pour l’inauguration de la Maison radieuse qui se tiendra en juillet 1955.

Descriptif technique

Caractéristiques de la Cité radieuse de Rezé (vidéo à visionner sur le site de l’INA)