L’école de la Maison Radieuse

Le Document E – notice qui accompagne le devis descriptif général adressé par l’atelier Le Corbusier à la Maison Familiale en juillet 1952 décrit l’Unité d’Habitation en ces termes :

Il est toutefois précisé que le terme « d’Unité d’habitation » est en principe employé par M. Le Corbusier pour définir un immeuble d’appartements contenant de nombreux services communs, tels que magasin de ravitaillement, salon de lavage, crèche, jardin d’enfants, etc., l’ensemble formant alors une « unité de fonctionnement ». Il est précisé dans cette même notice que, « par exception à ce principe, « l’Unité d’Habitation de Nantes-Rezé ne comportera aucun commerce » et que « ses services seront limités au strict minimum.

Si le document parle « d’unité de fonctionnement », il s’agit avant tout d’une unité de vie (celle du « village vertical ») qui se construit par les habitants autour de ce qu’ils partagent quotidiennement.

L’école

L’école, non prévue au démarrage des travaux, en 1953, sera ajoutée sur le toit en cours de chantier. Elle est devenu constitutive du bâtiment en ce qu’elle lui donne sa ligne d’horizon particulière et reconnaissable mais elle est encore plus constitutive de l’unité de la Maison Radieuse. Elles est ce qui, depuis son ouverture, rassemble les habitants, leur donne une histoire commune, raison pour laquelle les habitants se sont si souvent mobilisés pour la conserver, chaque fois que, les effectifs venant à manquer, il était question de sa fermeture.

Aujourd’hui, l’école Le Corbusier accueille les enfants du quartier et devient un vecteur d’ouverture de l’Unité d’Habitation. Acquérir ses premiers apprentissages, sous le ciel, n’est plus le privilège des seuls enfants de la Maison Radieuse, c’est aussi une expérience unique partagée par les enfants des habitations environnantes qui chaque matin empruntent le hall et les ascenseurs pour retrouver leurs camarades à plus de 50 m de haut. La particularité de l’école facilite le lien, aujourd’hui élargi, entre enfants, parents et enseignants.

Cette ouverture de l’école à une carte scolaire élargie l’a pérennisée et il n’est aujourd’hui plus question de la fermée. Restaurée en 2021, elle a vocation à accueillir encore de nombreuses générations d’enfants et, allant du ciel au sol, elle saura trouver dans le parc les ressources pédagogiques et éducatives prometteuses en harmonie avec la nature.

L’histoire, l’œuvre

L’école qui apparaît sur quelques plans préliminaires de 1950 est supprimée du programme définitif adopté en 1952, pour raison économique. En 1954, la mairie de Rezé demande l’implantation sur le toit d’un groupe scolaire, maternelle et élémentaire de dix classes. Une telle école aurait occupé la totalité du toit et, construite sur deux niveaux, n’aurait pu « s’intégrer dans l’esthétique générale du bâtiment » selon la réponse faite par André Wogenscky. Il est alors décidé de construite seulement une école maternelle de trois classes dont la conception et la construction sera assurée par Iannis Xenakis.

Alors occupé par la construction de Chandigarh, Le Corbusier confie en effet la réalisation de l’école à Iannis Xenakis qui assiste André Wogensky sur le chantier et étudie parallèlement les rythmes harmoniques des pans de verre ondulatoires du couvent de la Tourette (chantier qu’il dirigera après la livraison de la Maison Radieuse). Pour la conception de l’école, Xenakis avance plusieurs propositions. Il s’appuiera finalement sur la musique pour organiser le jeu des fenêtres placée à différentes hauteurs pour que les enfants puissent constamment voir l’extérieur. Les façades intègrent quatre formats standards de fenêtres répartis selon une configuration aléatoire en s’inspirant des neumes, les notes musicales des partitions grégoriennes. Elles signent l’architecture de l’école de de l’Unité d’Habitation.

L’éclairage intérieur des salles de classe devaient prendre la forme de constellation d’étoiles. Cette idée ne sera pas réalisée mais on la retrouvera dans les percement de l’église de Firminy reproduisant la constellation d’Orion.

L’école est à la fois baignée de lumière et protégée des tempêtes qui peuvent souffler à cette hauteur. Ici, pas de pan de verre ni de grande baies vitrées, les salles de classe et de sommeil donnent l’impression de solidité et de sécurité. Les passages sur l’extérieur sont de solides portes pivotantes qu’il faut manœuvrer avec force pour sortir. L’extérieur met alors les enfants en contact direct avec les éléments naturels, le ciel, les nuages, le vent, la pluie.

En 1968, le Corbusier publie dans Les carnets de la recherche patiente : « Les Maternelles vous parlent - pour une pédagogie plus humaine&nbsp ; », un petit livre qui, mêlant photos des écoles de Marseille et de Rezé, montre une époque (rêvée peut-être) d’insouciance, de liberté et d’épanouissement pour les enfants.